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Le Devior: Festival des films du monde de Montréal – D’un Huston à l’autre

By August 27, 2012March 24th, 2016Press

Danny Huston et son neveu Jack sont de passage à Montréal pour le film Two Jacks de Bernard Rose

Photo : FFM

Deux Huston, Danny (à droite) et Jack (à gauche), apparaissent dans Two Jacks de Bernard Rose, présenté en compétition au FFM

Danny Huston a beau vivre aux États-Unis, il demeure un citoyen du monde. Né à Rome, avec la double nationalité américaine et britannique, très irlandais, en fait. Quand on a été trimballé, enfant, à travers la planète sur les plateaux exotiques de son père John Huston, iconique cinéaste de The African Queen, du Maltese Falcon, de Moby Dick, de Under the Volcano, de The Misfits et compagnie, ça ouvre des horizons. Il n’avait jamais rêvé devenir acteur pour autant. Sur le tournage de The Man Who Would Be King de John Huston, dans le Haut-Atlas marocain, il se souvient des artifices auxquels recouraient Michael Caine et Christopher Plummer pour avoir belle allure, et ça ne lui disait rien qui vaille. Mais devenir cinéaste, oui. Il a d’ailleurs réalisé, en 1988, l’excellent Mr. North avec une distribution de haut vol, dont sa soeur Anjelica, Lauren Bacall, Robert Mitchum, et un coup de pouce paternel de John Huston, qui mourut peu après. « Un jour, sur mon plateau, il avait crié : “Coupez !” Dur pour un ego ! », évoque-t-il en riant. Puis, il tenta de financer plusieurs films et téléfilms, le temps passait. Ses amis lui ont fait jouer des petits rôles (un départ dans le merveilleux Leaving Las Vegas, de Mike Figgis, tout de même), puis des grands. On l’a vu dans Silver City de John Sayles, The Constant Gardner de Fernando Meirelles, Aviator de Scorsese. Mais ce qu’il aime par-dessus tout, c’est de jouer dans des films indépendants de son ami Bernard Rose, qui lui a d’ailleurs donné son meilleur rôle dans Ivansxtc. Et Danny Huston ne renonce pas à diriger. Il adapte dans ce sens un scénario avec l’auteur d’un roman. « J’aime les adaptations littéraires, dit-il. Ça donne à un film une assise psychologique extraordinaire. »

Échappe-t-on à la dynastie Huston ? Son grand-père était l’acteur oscarisé Walter Huston, qui joua pour son fils dans The Treasure of the Sierra Madre. La demi-soeur de Danny est l’actrice Anjelica Huston. Son neveu Jack Huston joue aussi (vu entre autres dans Boogie Woogie et Twilight 3).

Or, on y arrive. Deux Huston, Danny et Jack, apparaissent dans le même film (mais successivement) : Two Jacks de Bernard Rose, présenté en compétition au FFM en fin de semaine, adaptation dans le Los Angeles d’aujourd’hui d’une nouvelle de Léon Tolstoï Deux hussards. On y suit à quelques décennies d’intervalle un père (Danny Huston) et un fils (Jack Huston), tous deux cinéastes montant à l’assaut d’Hollywood. Comme Bernard Rose en était à sa quatrième adaptation d’une oeuvre de Tolstoï (après Anna Karénine, La sonate à Kreutzer, etc.), toujours avec son ami Danny Huston, il a écrit le rôle pour lui en pensant à ses liens avec John Huston. « C’est un film sur la façon de marcher sur les pas de son père. Le mien était un géant. Mon neveu Jack, que je considère un peu comme mon fils, et moi tenons tour à tour le rôle de la génération au-dessus. »

« Le fils essaie d’être aussi bon que son père, précise Jack Huston, mais à travers ses erreurs, il comprendra qu’il ne peut être que lui-même. »

Danny Huston vous dira qu’il n’a pas tant imité son père ici, que John Huston incarnant, dans The Other Side of the Wind d’Orson Welles (un film jamais sorti), un réalisateur arrogant et odieux, dont la veuve de Welles lui a montré la version non montée. Two Jacks est en deux temps et deux segments, sépia (de loin la meilleure partie, côté jeu et réalisation), puis en couleurs. Le cinéaste John Husard (Danny Huston vraiment excellent), durant l’âge d’or d’Hollywood, revient au pays où ses derniers films avaient été des échecs commerciaux. Il est indésirable, sauf pour un fan fini qu’il escroque, et pour les femmes, de divines créatures, qu’il manipule aussi avec un charisme et un aplomb extraordinaires. « Ces hommes à femmes plus grands que nature n’existent plus, estime Danny Huston. Avec les textos, la vitesse des échanges amoureux, quelque chose semble perdu. » Jack Jr. (Jack Huston), dans le Hollywood contemporain, reproduit les erreurs du père, mais avec des nuances collées à l’air du temps. Jacqueline Bisset incarne une des conquêtes du père, parvenue à l’âge mûr. « Son personnage a le coeur brisé. Le film parle de nostalgie, mais celle-ci est un leurre, estime Danny Huston. La mémoire embellit la réalité et le fera encore demain. » À souligner : l’excellente musique du film, avec variations sur la chanson russe Occhi chyornye (Les yeux noirs) en hommage à la nationalité de Tolstoï. Le film est très hustonien, car le héros tombe de son socle. «Ainsi, il peut comprendre l’ironie de la vie», conclut Danny Huston.

Link: http://www.ledevoir.com/culture/cinema/357808/d-un-huston-a-l-autre